Interview de l’association France Lyme

La Maladie de Lyme est un peu le sujet à la mode sur les réseaux sociaux et dans les médias. Le hic, c’est que souvent les articles ou les interviews restent en surface et n’abordent que rarement le fond du problème. En tout cas, c’est le sentiment que j’en retire à chaque lecture d’un nouvel opus. En ce moment, je vois passer des articles faisant le Buzz sur « Lyme, une expérience militaire secrète ». Cela suscite la curiosité, certes, malheureusement, on n’y voit jamais de réponses concrètes qui pourraient faire avancer vers une véritable prise en charge de la maladie de Lyme. C’est pourquoi j’ai créé SociaLyme et c’est pour cette raison que j’ai souhaité aller à la base en posant mes questions à l’association France Lyme. Et plus particulièrement Nathalie, que je remercie pour ces réponses de grande qualité. Ses explications permettent d’y voir beaucoup plus clair dans l’univers de la maladie de Lyme.

1 – Bonjour Nathalie, pouvez-vous nous présenter France Lyme ? Pourquoi avoir créé cette association ?

France Lyme est une association nationale, de type loi 1901, créé en mars 2008, en vue de mettre en place une association française autour des Maladies Vectorielles à Tiques, avec une ouverture à l’international. L’association France Lyme a été créée suite à un constat sur la grande méconnaissance de la part de la population des maladies transmises par les tiques. Les campagnes de prévention à destination du grand public sont trop peu nombreuses ou mal ciblées, peu de personnes connaissent les dangers d’une morsure de tique lors de sorties en plein air. Les malades atteints de la maladie de Lyme souffrent, sans reconnaissance médicale ni sociale. Reconnue d’intérêt général et agréé au Ministre de la Santé, notre association a pour objet d’échanger et de diffuser des informations sur les maladies transmises par les tiques et d’en assurer la prévention. Elle diffuse des informations objectives autour de ces pathologies, permet de créer un lien entre les malades et mène des actions de prévention autour des maladies vectorielles à tiques. Elle vise également à faciliter les contacts entre les malades et les différentes institutions médicales, sanitaires et sociales. Elle alerte les pouvoirs publics et les structures de recherche publique ou privée, pour une meilleure reconnaissance et prise en charge des malades, au travers d’actions militantes. Elle participe à des travaux au sein des instances sanitaires. L’association collabore avec différents médecins et groupes de médecins français et internationaux, qui lui apportent leur confiance. France Lyme fait partie des associations fondatrices de la FFMVT (Fédération Française contre les Maladies Vectorielles à Tiques) créé en septembre 2015.

2 – Qu’est ce que la Maladie de Lyme ?

La maladie de Lyme fait partie des Maladies Vectorielles à tique qui sont transmises lors d’une morsure de tique. Le pathogène de la maladie de Lyme est Borrelia. L’infection créé une myriade de symptômes :

Des signes dermatologiques : érythème migrant simple ou multiple, plaques violacées évoluant vers la sclérose associée à des arthrites et des neuropathies.

Des manifestations neurologiques : méningites, névrites, maux de tête, une sensibilité cutanée exacerbée et des lésions démyélinisantes proches de la sclérose en plaques.

Des anomalies sensorielles : fourmillements, picotements, brûlures…

Des signes neurocognitifs : difficultés d’élocution, perte de repères spatio-temporels.

Des troubles psychiatriques : trouble de l’humeur, anxiété allant jusqu’à la psychose.

Des signes cardiaques : palpitation, tachycardie.

Des signes ophtalmologiques : troubles de la vue.

Des signes rhumatologiques : souvent le genou (enflé, chaud, rouge et douloureux).

3 – Pourquoi le diagnostic est-il si compliqué ?

Une cinquantaine de symptômes, voire davantage, souvent non spécifiques, et la présence fréquente de co-infections rendent le diagnostic difficile. Les médecins généralistes ne sont pas formés à prendre en compte ces symptômes dans leur globalité. La suprématie des diagnostics par les analyses biologiques pose le problème que les pathogènes mis en cause ne font pas partie des analyses courantes infectieuses. Les tests sont tous basés sur des sérologies et donc la qualité de réponse du système immunitaire. Ces maladies vectorielles à tique posent souvent un problème de mauvaise réponse immunitaire et donc ne permettent pas à la sérologie d’être optimale.

4 – Qu’en est il d’un consensus médical sur les formes chroniques de la Maladie de Lyme ?

Le SPPT, Syndrome persistant polymorphe après une possible morsure de tique, permet de couvrir les infections chroniques de tous les pathogènes portés par les tiques. En ne se limitant pas à la maladie de Lyme, la HAS (et donc le Ministère de la Santé) a créé une grande avancée dans la reconnaissance de la difficulté à prendre en charge ces maladies.

5 – A votre sens, existe-t-il des freins à la reconnaissance Lyme en France ?

Le fait que les Recommandations de Bonnes Pratiques de la HAS publiées en juin 2018 n’aient pas fait consensus et n’aient pas été endossées par toutes les sociétés savantes fait qu’il demeure des points de désaccords importants entre les différentes instances. L’absence d’uniformisation des formations MVT pour les médecins en prenant en compte les dernières avancées et publications scientifiques, de même que l’absence de mise à jour des connaissances pour les cours dispensés en faculté de médecine sur le sujet, n’aident pas à la reconnaissance ni à la prise en charge des malades. De même, les fonds publics pour la recherche sont absents ou dérisoires, alors que les choses tendent à avancer sur ce point à l’étranger.

6 – Quelle est votre sentiment sur l’évolution de la prise en charge de la maladie de Lyme en France ?

Les choses ont largement évolué ces dernières années grâce à : la forte présence associative sur le terrain, la prévention effectuée à différents niveaux, la médiatisation accrue (depuis 2015) autour de la maladie de Lyme et des autres MVT, et surtout l’implication des associations dans l’élaboration du Plan Lyme (débuté en septembre 2016). Le réseau grandissant sur le territoire de nombreux professionnels de santé formés permet une prise en charge des malades dans quasiment toutes les régions, bien que leur reconnaissance puisse être différente d’une région à l’autre (certaines CPAM et certains Conseils de l’Ordre des Médecins pratiquent encore parfois une « chasse aux sorcières » qui ne devrait plus avoir lieu). C’est la même chose pour les récentes avancées obtenues grâce aux nouvelles Recommandations de la HAS : facilitation d’obtenir une reconnaissance de handicap auprès des MDPH, ALD 100% hors liste par la CPAM. La prochaine mise en place des Centres de compétence et de référence MVT devrait également contribuer à une meilleure prise en charge, et les associations comme la nôtre sont vigilantes sur ce point. Nous espérons que les responsables de ces centres seront dans une démarche de démocratie sanitaire pour collaborer avec les associations et ainsi améliorer l’écoute des malades chroniques.

7 – Est ce qu’il y a un traitement pour soigner cette maladie ?

Il existe autant de traitement qu’il y a de pathogène transmis par les tiques. Des antibiotiques mais aussi les antifongiques, les anti-parasitaires, les anti-viraux, les anti-paludéens, … Les protocoles allopathiques permettent d’avancer rapidement et les protocoles phytothérapie permettent de soutenir le corps au long court pour se défendre.

8 – Quel est aujourd’hui le quotidien d’un malade de Lyme ? (Errance médicale, erreurs de traitement, diagnostic tardif, prise en charge etc.)

Une fois diagnostiqué et pris en charge par un médecin du réseau, le malade peut enfin arrêter de courir entre les rendez-vous médicaux, parfois qui ne servent à rien, notamment pour des spécialistes qui ne prennent pas en compte tous les symptômes mais seulement ceux de leur spécialité. Les malades mettent en place une hygiène de vie bien plus stricte que la plupart des personnes, par ex, une alimentation anti-inflammatoire, une pratique de technique de relaxation, de prise de conscience de soi, … Les dépenses pour des compléments alimentaires et des techniques de soutien (acupuncture, ostéopathie, phytothérapie, sauna, …) sont des postes de dépenses mensuels important.

9 – Pourquoi les malades se soignent clandestinement voire même à l’étranger ?

Ils partent à l’étranger de moins en moins fréquemment. Nous avons maintenant un réseau français de médecins généralistes qui se sont formés aux MVT. Il est néanmoins indéniable que le BCA [une clinique spécialisée située à Augsburg, en Allemagne] possède une expertise sur la prise en charge des formes chroniques que peu de médecins ont.

10 – Quelles sont les actions menées par France Lyme ? Celles dont vous êtes les plus fières ?

Elles sont nombreuses et de 3 catégories : Prévenir, Alerter et Soigner.

Prévenir

Qui : le grand public, les professionnels de santé, les institutions sanitaires, les parlementaires, les élus et les médias. Comment : plaquettes et flyers, affiches, produits dérivés, stands, conférences, manifestations, panneaux de prévention… Où : au niveau national et au niveau local par le biais des sections. L’association produit et met à jour des documents de prévention et d’information pour tous les publics (adultes, enfants, scolaire, médecins…). Certains fichiers sont disponibles librement sur le site de l’association. Les documents sur support (plaquettes, affiches) sont envoyés gratuitement aux adhérents qui le souhaitent. Les panneaux sont destinés aux mairies lors de l’obtention d’une subvention. Des actions de prévention sont réalisées partout en France par les bénévoles des sections locales : séances de prévention auprès d’adultes (tout public), stands de prévention durant des manifestations, interventions dans les écoles, cafés-rencontre entre malades, permanences, conférences, participation aux grands événements tels que la Course des Héros et le Lyme Protest (journée de protestation internationale contre les MVT). De nombreux hôpitaux, maisons de la santé, mutuelles, des entreprises, des associations… nous demandent des actions de prévention et de la documentation. Une bande-dessinée à destination du grand-public, élaborée depuis 2 ans par France Lyme, en collaboration avec Corporate Fiction et l’IPSEC, a vu le jour en avril 2019.

Alerter

L’association gère plusieurs médias, pour rendre accessible une information actualisée en permanence : site internet associatif et son portail « Média-tiques », le Forum Lyme francophone qui permet aux malades d’échanger et trouver du soutien dans la maladie, page Facebook, groupes Facebook réservés aux adhérents et aux sections locales, compte Twitter, lettre d’information. Le blog Lyme Enfant, réalisé par une maman bénévole, est aussi accessible et permet aux parents d’un enfant touché par la maladie de Lyme d’échanger leur quotidien ou de poser des questions. Nous sommes soutenus par de nombreux médias, tant au niveau local, régional que national. France Lyme dénonce un manque de prise en charge et de moyens pour prévenir, diagnostiquer et traiter les maladies à tiques. Nous revendiquons en priorité la nécessité urgente de financement conséquent pour la recherche sur les Maladies Vectorielles à Tiques. L’association France Lyme mène des actions auprès du Ministère de la Santé. C’est dans ce contexte que France Lyme, en tant que membre fondateur de la FFMVT, participe activement avec d’autres associations au Plan National de lutte contre la borréliose de Lyme et les MVT débuté en septembre 2016, ainsi qu’à l’élaboration du PNDS (Protocole National de Diagnostic et de Soins). Celui-ci, publié par la HAS le 20 juin 2018 mais ne faisant hélas pas consensus auprès de toutes les sociétés savantes participantes, se révèle être des « Recommandations de bonnes pratiques », révisable tous les 2 ans en fonction des nouvelles publications scientifiques internationales et des avancées de la recherche. Ces recommandations ont pour objectif de répondre à la souffrance et à l’errance des patients et leur assurer une meilleure prise en charge.

Soigner

L’association France Lyme vise également à faciliter les contacts entre les malades et les différentes institutions médicales, sanitaires et sociales. Le site Media-tiques est le premier portail d’informations sur les Maladies Vectorielles à Tiques en langue française. Il rassemble de nombreux liens vers des documents de références, des liens internet, quelques articles sur les différentes maladies transmises par les tiques et un forum internet. France Lyme reçoit quotidiennement de très nombreux messages d’errance médicale, de personnes en demande de conseils, d’aide, ou d’orientation vers un médecin compétent sur Lyme et les MVT, pour eux-mêmes ou pour leurs proches. Afin de les aider, une équipe de bénévoles a été mise en place (les « référents ») et la quantité de demandes reçues est en constante augmentation. Le temps passé à traiter ces demandes représente un équivalent temps-plein sur l’année. Dans le contexte actuel de changement dans les modalités de diagnostic et de prise en charge des malades atteints par la maladie de Lyme, où le Consensus de 2006 (basé sur les anciennes recommandations de l’IDSA aux Etats-Unis – à présent reconnues comme obsolètes) se trouve remplacé par les toutes nouvelles Recommandations de la HAS pour la borréliose de Lyme et les autres MVT (téléchargeables sur le site de la HAS), il est primordial de continuer à promouvoir auprès des médecins – notamment généralistes, qui sont en première ligne tant pour le diagnostic que les premiers traitements prodigués aux malades – les formations reconnues et de qualité sur ces pathologies encore trop souvent méconnues. Il est nécessaire de lutter contre les idées fausses et la propagande de désinformation propagées par nos détracteurs partisans du déni. La maladie de Lyme n’est plus considérée comme une maladie rare, le nombre de cas déclarés annuels sont en constante augmentation et bien en-deçà de la réalité (chiffres consultables sur le site de l’INVS, qui fait état de 55 000 nouveaux cas rien que pour l’année 2016). La maladie de Lyme chronique est à présent reconnue en France sous le terme de SPPT (symptomatologie/syndrome persistant polymorphe après possible piqûre de tique) et notre association se doit de rester vigilante quant à l’application de ces Recommandations, ainsi qu’à la mise en œuvre prochaine au niveau régional des Centres de Référence proposant des consultations pluridisciplinaires pour la maladie de Lyme et les MVT. Afin que les malades de Lyme ne subissent plus ni errance, ni dénigrement, ni mépris ; vous aussi rejoignez-nous, soutenez-nous !

11 – Quelle aide pouvez-vous apporter aux personnes malades et à leurs proches ? Et aux personnes qui pensent-être concernées par cette maladie ?

Nous avons 2 services qui aident à sortir de l’errance médicale et de l’isolement.

Les référents aident tous les ans plus de 1500 personnes à trouver un médecin, qui fait une formation complémentaire sur les MVT, dans le réseau en France.

Le service Ecoute est assuré par téléphone grâce à des personnes dont le métier est en lien avec cette activité. Ce service est mis en place au bénéfice des personnes concernées par la maladie de Lyme qui souhaiteraient échanger et se confier dans un cadre neutre et bienveillant.

Un service d’aide médico-social est en création. Nous cherchons des bénévoles, des assistantes sociales pour nous aider. Il y a aussi les cafés-Lyme, les rencontres et les permanences un peu partout sur le territoire, qui permettent de rompre l’isolement et créer du lien social.

12 – Comment prendre contact avec votre association ?

France Lyme - Association Maladie de Lyme

Vous pouvez nous écrire sur contact@francelyme.com pour nous rejoindre, nous apporter vos compétences, vos dons, votre adhésion et ainsi contribuer à nos actions.

Notre nouveau site internet https://francelyme.fr est aussi une source d’information sur l’association, les maladies vectorielles à tiques et des ressources pour les malades.


Je remercie Nathalie pour ces explications précises et détaillées et son action dynamique pour la reconnaissance et l’amélioration des soins des maladies transmises par les tiques.

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